Physiologie bactérienne: Nutrition et Croissance


◉ Introduction


La physiologie bactérienne consiste à étudier la nutrition, le métabolisme et la croissance des bactéries en fonction des variations (naturelles ou contrôlées) du milieu dans lequel elles vivent.

❖ Nutrition bactérienne :

c’est l'analyse des besoins élémentaires , énergétiques et spécifiques nécessaires au fonctionnement et à la croissance de la bactérie, ainsi que des facteurs physico-chimiques susceptibles de les influencer .

❖ Métabolisme biochimique bactérien :

C’est l’ensemble des transformations chimiques ( anabolisme ou biosynthèse et catabolisme ou dégradation) qui assurent l’élaboration des constituants bactériens et leur fonctionnement .

❖ Croissance bactérienne :

Dans un environnement optimal, la cellule bactérienne, grâce à son système enzymatique très développé, va donner naissance en peu de temps (20 minutes pour la majorité des bactéries de l'environnement), à deux bactéries filles qui lui sont identiques : On parle de croissance bactérienne. Elle se manifeste par une augmentation numérique des cellules bactériennes et non pas une augmentation de taille comme chez les organismes supérieurs ( homme, animal, plante).


◉ Nutrition et croissance bactérienne

A- Nutrition :

Pour survivre et se multiplier , les bactéries ont besoin d’ une quantité plus ou moins importante de substances minérales et organiques dites substances alimentaires ou nutriments.

Nutrition bacterienne

La dégradation de ces aliments , que l’on met à leur disposition dans les milieux de culture, va leur fournir les éléments simples (Carbone, Azote, Minéraux) et l’énergie, qu’elles vont réutiliser pour synthétiser leurs propres constituants structuraux et enzymatiques.

Les bactéries ont toutes un certain nombre de besoins communs tels : l’eau, une source d’énergie, une source de Carbone, une source d’Azote et des éléments minéraux. D’ailleurs, en examinant la composition chimique de la cellule bactérienne, on peut deviner ses besoins nutritifs :

  • La bactérie est faite en majorité d’eau : 75 à 80 % de son poids total.
  • La matière sèche est faite de protéines (55%) , rRNA (16,7%), tRNA (3%), mRNA( 0,8%), DNA (3,1%), lipides (9,1%), Lipopolysaccharides (3,4%), Peptidoglycanes (2,5%), vitamines (2,9%) et ions inorganiques (1,0%).

Donc, la bactérie aura besoin de 3 types d’éléments nutritifs :

  • 1. Besoins élémentaires et énergétiques
  • 2. Des besoins spécifiques
  • 3- Les facteurs physiques :

1. Besoins élémentaires et énergétiques :

1-a- Les besoins élémentaires :

L’eau : Besoin majeur, il entre dans la composition de tous les milieux de culture.

Le Carbone : C’est un des éléments les plus abondants de la bactérie : il doit être fourni en quantité suffisante .Le plus simple des composés carbonés est le CO2 ou anhydride carbonique. Les bactéries sont classées en 2 catégories :

  • Bactéries Autotrophes : Celles capables de se développer en milieu inorganique contenant le CO2 comme seule source de Carbone
  • Bactéries Hétérotrophes : Ces bactéries sont capables de dégrader une panoplie de substances hydrocarbonées : Alcool, acide acétique, acide lactique (molécules simples), polysaccharides (complexes).

L’Azote : Les substances azotés entrent dans la composition des protéines bactériennes. L’azote peut être fixé par la bactérie :

  • Sous forme d’azote moléculaire, c’est à dire la forme la plus simple. ex. les Rhizobium – Azotobacter et certains Clostridiums.
  • Sous forme de composés inorganiques : Ex. Nitrites par les Nitrobacter Ammoniac sous forme de sels d’ammonium par les Nitrosomonas
  • Sous forme de composés organiques R-NH2 dont les groupements aminés représentent la source d’azote.

Le Phosphore et le Soufre : Ils occupent une place de choix.

❖Phosphore :
Il entre dans la composition des acides nucléiques, de nombreux coenzymes et de l’ATP. Il est incorporé dans la bactérie sous forme de Phosphate inorganique. Il permet la récupération, l’accumulation et la distribution de l’énergie dans la cellule.

❖Soufre :
Il entre dans la composition des acides aminés et des protéines (groupement thiol). Il est incorporé dans la cellule sous forme de sulfate, de composés soufrés organiques, rarement sous forme de soufre réduit.


L’O2 et l’H2 : sont apportés par l’eau et par l’air atmosphérique. Les éléments cités doivent être apportés en quantités suffisantes.

❖ En plus faible quantité sont apportés les éléments minéraux :

  • ● Certains interviennent dans l’équilibre physico-chimique de la cellule : Na ,K , Mg et Cl.
  • ● D’autres constituent les enzymes ou les coenzymes : Fer des Cytochromes.

❖ A l’état de traces, souvent apportés par l’eau : Ce sont les les oligo-éléments car ils sont indispensables en quantité infime : Ce sont Ca , Mg , Co , Cu , Mn….


1-b- Besoins énergétiques

❖ Ils couvrent les dépenses engagées dans les processus de biosynthèses. Les bactéries peuvent utiliser comme source d'énergie :

  • Soit l'énergie lumineuse (bactéries phototrophes),qui transforment les photons lumineux en liaison ADP~Pi
  • Soit l'énergie fournie par les processus d'oxydo-réduction (bactéries chimiotrophes)

Les bactéries phototrophes font appel à des composés minéraux ou organiques comme sources d'électrons.

  • Si le substrat oxydable est minéral, la bactérie est dite photo-lithotrophe : elle est capable de se développer dans un milieu purement minéral comme le font les végétaux :exemple les bactéries sulfureuses pourpres ou vertes.
  • Si le substrat oxydable est organique, la bactérie est dite photo-organotrophe : exemple les bactéries pourpres non sulfureuses.

❖ Les bactéries chimiotrophes, qui puisent leur énergie à partir de réactions redox ,utilisent des composés minéraux ou organiques comme "donneurs d’hydrogène ou d’électrons" ou "accepteurs d'électrons".

  • Si le donneur d’électron est un corps minéral, la bactérie est dite chimiolithotrophe, exemple bactérie oxydant l’hydrogène .
  • Si le composé est organique , la bactérie est dite chimioorganotrophe. La grande majorité des bactéries font partie de cette dernière catégorie: bactéries pathogènes d’intérêt médical, de contamination alimentaire, d'usage industriel pour la synthèse d'antibiotique de vitamines

2. Des besoins spécifiques:

❖ Ce sont des métabolites essentiels que la bactérie n’est pas en mesure de synthétiser par défaut enzymatique et qu’il faut donc lui fournir pour permettre son développement. On les appelle Facteurs de croissance.

❖ Les bactéries sont donc classées en 2 catégories :

  • Les Prototrophes qui ne nécessitent pas de facteur de croissance (ex. E.coli)
  • Les Auxotrophes qui les exigent (ex. Haemophilus influenzae) .

3- Les facteurs physiques :

❖ Ils interviennent de façon primordiale dans l’obtention d’une culture optimale. En effet, les nutriments doivent être apportés à la bactérie dans les conditions d’environnement qui lui conviennent, sinon, ils peuvent l’inhiber.

a- Température : Selon le comportement de la bactérie vis à vis de la température , on distingue :

  • Les bactéries mésophiles : dont la température optimale de croissance se situe entre 20°C et 40°C. On admet généralement 30°C pour les mésophiles saprophytes, 37°C pour les mésophiles pathogènes. La majorité des microorganismes de l’homme et de l’animal sont des mésophiles : Bactéries pathogènes, bactéries des cavités naturelles ou du revêtement cutanéo-muqueux humain ….
  • Les bactéries thermophiles : la température optimale est de 45°C à 65°C , généralement 55°C. Ce sont les bactéries des sources thermales. ex: Bacillus et Clostridium.
  • Les bactéries psychrophiles : dont la température optimale se situe autour de 0°C. Dans cette catégorie , on peut situer les B.Psychrotrophes qui cultivent abondamment aux températures de réfrigération mais qui se multiplient encore plus à 10°C ou 20°C.Ces bactéries contaminent souvent les produits laitiers , de même que les produits biologiques (sang ou dérivés sanguins) conservés à basse température .ex .Pseudomonas , Acinetobacter, Aeromonas.
  • Les bactéries cryophiles : qui préfèrent des températures inférieures à 0°C :Ce sont les bactéries des océans et des glaciers.

Température et les bacteries

b- Le pH : Les bactéries préfèrent un pH neutre ou légèrement alcalin (7 –7.5) mais les limites sont très larges :

  • E.coli cultive entre pH 4.4 et pH8
  • Lactobacilles exigent plutôt un pH bas, voisin de 6 ( L.acidophilus)
  • Vibrion se multiplie au pH optimal de 9

PH

c- L’Oxygène : Selon le type respiratoire, on distingue :

  • Les Bactéries aérobies strictes : ne peuvent vivre qu’en présence d’oxygène de l’air et tolèrent des PO2 élevées. ex. BK , B.pyocyanique , culture uniquement en surface.
  • Les Bactéries anaérobies strictes : ne supportent pas l’O2 qui leur est toxique ex. Bacteroides fragilis. Culture uniquement au fond du tube.
  • Les Bactéries aéro-anaérobies facultatives : se développent aussi bien en présence qu’en absence d’oxygène. Leur richesse enzymatique leur permet d’utiliser l’O2 s’il est présent et d’utiliser la voie fermentaire quand l’oxygène est absent. ex. Entérobactéries
  • Les Bactéries microaérophiles : ne se reproduisent qu’en présence d’une faible tension d’oxygène . ex. Campylobacter
  • Les Bactéries anaérobies aero-tolérants : bien que tolérant l’oxygène , ils ne peuvent pas l’utiliser et tirent leur énergie exclusivement de la fermentation. ex. Lactobacilles

Bactéries aérobies strictes

d- Pression osmotique : Grâce à une paroi spécifique des procaryotes ( Muréine) qui leur confère une rigidité et une résistance aux chocs , les bactéries tolèrent des variations de concentrations ioniques. Certaines bactéries tolèrent des concentrations salines importantes ex. Enterococcus (6.5% Nacl) Staphylococcus aureus ( 7.5%Nacl)

B- Croissance bactérienne :

1- Définition

C’est l’accroissement ordonnée de tous les composants d’un organisme. Si, chez les organismes supérieurs, elle aboutit à une augmentation de taille, chez les organismes unicellulaires (bactéries , levures), elle aboutit à une augmentation du nombre d’individus.

Il y a donc multiplication, toutes les 30mn environ, d’une bactérie, donnant naissance par division , à 2 nouvelles bactéries identiques.

On définit le Temps de génération comme le temps requis pour un dédoublement du nombre de bactéries. ex. E.coli : TG = 20mn, M.tuberculosis : TG = 20 h. On définit aussi le Taux de croissance comme le nombre de divisions par unité de temps (ex. 3 pour E.coli).

Au cours de la croissance, le milieu s’appauvrit en éléments nutritifs disponibles et s’enrichit en produits du catabolisme, souvent toxiques. Des modifications y surviennent, touchant le pH, le potentiel Redox, la pression osmotique …

2- Techniques de mesure de la croissance bactérienne :

a- Dénombrement direct des bactéries : les bactéries sont considérées comme des Particules que l’on dénombre à l’état frais ou après coloration.

a-1- Numération totale : on utilise pour cela :

  • L’examen au microscope à l’aide d’une cellule hématimétrique : on compte toutes les bactéries vivantes ou mortes.
  • La mesure automatisée avec un compteur de particules, des bactéries en suspension dans une solution d’électrolyte : on compte aussi bien les bactéries que les particules inertes de même taille.
  • La méthode d’épifluorescence : Les bactéries sont colorées par un flurochrome : l’Acridine orange est actuellement le plus communément utilisé et colore en rouge fluorescent les bactéries en voie de croissance ou les cellules mortes porteuses d’un ADN dégénéré. Par contre, l’Acridine orange colore en vert fluorescent les bactéries inactives contenant un ADN bicaténaire. Cette coloration permet donc le comptage de toutes les cellules bactériennes ( bactéries totales ) sans distinction entre les vivantes et les mortes.

a-2- Numération des cellules viables :

  • Les bactéries cultivables forment des colonies sur un milieu de culture approprié : on utilise la culture en boîtes de Pétri ou Plate Count.
  • Inconvénient : Plusieurs cellules agglomérées peuvent ne donner qu’une seule colonie. De nombreuses cellules isolées ne forment pas nécessairement de colonie.

- On peut utiliser la technique de filtration sur membrane, qui concentre les bactéries présentes en faible quantité dans un échantillon liquide ( ex. Colimétrie des eaux).


filtration sur membrane

-Un échantillon a été filtré à l'aide d'un filtre à membrane ne laissant pas passer les cellules bactériennes. Le filtre a ensuite été placé sur un milieu de culture et incubé. Les colonies résultantes sont facilement comptées en utilisant la grille. La valeur résultante est utilisée pour déterminer les unités formant des colonies dans l'échantillon.

b- Mesure de la biomasse :

b-1- détermination du poids sec :

- Des techniques pour mesurer les changements dans la masse cellulaire peuvent également être utilisées pour déterminer la taille de la population. Une approche consiste à déterminer le poids sec microbien. Les cellules en croissance dans un milieu liquide sont recueillies par centrifugation, lavées, séchées à l'étuve et pesées. C'est une technique particulièrement utile pour mesurer la croissance. des champignons filamenteux

- Inconvénient : toute la masse cellulaire est mesurée. De plus , c’est une technique longue et délicate.

b-2- Mesure de la Densité optique (DO) :

On évalue la DO du milieu de croissance en fonction du temps, à une longueur d’onde donnée. En utilisant la Loi de BEER-LAMBERT qui définit les relations existant entre les intensités d'un faisceau lumineux avant et après la traversée d'une culture bactérienne , on peut évaluer la croissance bactérienne en déterminant la Densité Optique de la culture bactérienne.

La mesure de la D.O. se fait à une longueur d'onde allant de 450 à 550nm et les cultures bactériennes sont diluées de façon à obtenir des D.O. inférieures à 0,4 ( les DO évoluent linéairement à la concentration cellulaire).


Mesure de la Densité optique

b-3- Technique de la Cytométrie en flux :

Elle consiste à mesurer un ou plusieurs paramètres spécifiques d’une cellule isolée , entraînée par un flux liquide . Cette technique est couramment appliquée en hématologie . Elle est encore en cours d’évaluation en microbiologie.

c- Marqueurs chimiques

- Il s’agit de dosage des protéines , DNA , ATP, peptidoglycane ..

3- Cinétique de la croissance bactérienne :

L'étude de la croissance bactérienne dans le temps ou cinétique de la croissance peut être représenté sur un graphique en portant :

  • En ordonnée, les valeurs des log de la D.O du milieu de culture;
  • En abscisse, le temps.

La courbe de croissance obtenue montre alors 6 phases:

  • Phase de latence : C'est la phase d'adaptation des bactéries à leur milieu de culture. On ne note pas de multiplication bactérienne pendant cette phase. Elle correspond à la mise en route des systèmes enzymatiques de la bactérie.
  • Phase d'accélération : pendant laquelle le temps de génération se raccourcit pour atteindre la valeur caractéristique de l’espèce bactérienne étudiée.
  • Phase de croissance exponentielle : Le taux de croissance atteint la valeur maximale .Il y a dédoublement de la population à des intervalles de temps réguliers (dédoublement de la population toutes les 20 minutes pour E.coli).
  • Phase de ralentissement : Le taux de croissance baisse progressivement, le temps de génération s'allonge.
  • Phase stationnaire : La masse bactérienne est maximale . Les nouvelles générations équilibrent les vieilles bactéries qui se lysent.
  • Phase de déclin : La masse bactérienne décroît du fait de la lyse accélérée des bactéries. Ceci est lié à un épuisement des nutriments, à une réduction de l'oxygène , à une accumulation des déchets. Le temps de génération est de plus en plus long ,créant un déséquilibre entre les nouvelles générations de bactéries (de plus en plus rares) et les vieilles bactéries qui meurent en plus grand nombre.
Cinétique de la croissance bactérienne

4-Les modifications de la courbe de croissance :

a- Croissance continue :

La courbe de croissance est celle obtenue pour une culture bactérienne en milieu non renouvelé. On peut avec des artifices ,obtenir une culture bactérienne maintenue pendant très longtemps en phase de croissance exponentielle :C'est ce qu'on appelle une croissance continue ,obtenue par un apport régulier de milieu nutritif neuf et extraction d'une quantité équivalente de vieux milieu. Ces procédés sont couramment utilisés dans l'industrie pour obtenir des corps bactériens de même âge (préparation de vaccins bactériens), ou des métabolites bactériens (vitamines ) ,des toxines bactériennes (préparation d'anatoxines) en grande quantité.

Croissance BACTERIENNE

Un chemostat est construit de telle sorte que la vitesse à laquelle un milieu stérile est introduit dans un récipient de culture est la même que celle à laquelle le milieu contenant les microorganismes est éliminé

b- La diauxie :

En milieu synthétique , lorsque l’on fournit à la bactérie 2 substrats carbonés (aliments limitants ) , on peut assurer 2 modes de croissance :

  • Une courbe de croissance normale , comme si un seul substrat limitant a été donné.
  • Une courbe diphasique , caractérisée par une première croissance exponentielle , suivie d’un plateau puis d’une deuxième phase exponentielle succédant à une phase de latence intermédiaire plus ou moins prononcée.

Cause : au cours de la croissance, l’un des substrats est utilisé en premier jusqu’à épuisement avant que le deuxième substrat ne soit assimilé à son tour.


Physiologie bactérienne: Nutrition et Croissance 2- Physiologie bactérienne: Métabolisme et Applications ⮞


Référence

  1. CES:Physiologie bactérienne: Nutrition et Croissance,Pr. A. BENSLIMANI-Alger
  2. les fiches techniques de Biorad
  3. les fiches techniques de Biomerieux
  4. Livre:Microbiology an-introduction
  5. Livre:Microbiologie - L. Prescott