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Glycopeptides : Utilisations, Présentation et Effet indésirable
Introduction
Les glycopeptides constituent une famille unique d'antibiotiques, principalement utilisés en clinique humaine pour lutter contre les infections à bactéries à Gram positif. Parmi eux, la vancomycine et la teicoplanine sont les deux représentants les plus couramment employés. Ces molécules sont considérées comme des antibiotiques de référence pour le traitement des infections causées par des souches résistantes, telles que les entérocoques résistants à l'amoxicilline et le Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM).
◉ Les glycopeptides naturels
- Vancomycine : Découverte en 1956, la vancomycine est naturellement produite par Streptomyces orientalis. Elle a longtemps été l'un des principaux traitements contre les infections à Gram positif, notamment en cas de résistance aux autres antibiotiques.
- Teicoplanine : Identifiée en 1978, la teicoplanine est un lipoglycopeptide produit par fermentation d'une souche d'actinomycètes, Actinoplanes teichomyceticus. Elle présente une durée d'action plus longue et une meilleure tolérance que la vancomycine, ce qui en fait une alternative intéressante.
◉ Les dérivés hémi-synthétiques : les lipoglycopeptides
Pour faire face à l'émergence de bactéries multirésistantes, trois dérivés hémi-synthétiques des glycopeptides naturels ont été développés. Ces lipoglycopeptides offrent une activité renforcée contre les souches résistantes et une pharmacocinétique améliorée :
- Dalbavancine : Dérivée de la teicoplanine, elle se distingue par sa longue demi-vie, permettant une administration hebdomadaire.
- Télavancine et Oritavancine : Ces deux analogues de la vancomycine sont conçus pour cibler spécifiquement les bactéries à Gram positif multirésistantes, avec des propriétés pharmacologiques optimisées.
Structure des Glycopeptides
Les glycopeptides sont de volumineuses molécules de haut poids moléculaire (1 450 daltons pour la vancomycine et 1890 daltons pour la teicoplanine). Ils comportent un noyau central peptidique de sept acides aminés. Cette structure tridimensionnelle en forme de poche leur confère une rigidité, dont le rôle est primordial lors de la liaison de l’antibiotique à sa cible sur la paroi cellulaire.
Les différences entre les glycopeptides se situent au niveau des acides aminés 1 et 3 et des substrats attachés aux groupes aromatiques des acides aminés. Les acides aminés 1 et 3 de la vancomycine sont respectivement la leucine et une asparaginase alors qu’il s’agit de deux hydroxyphényl-glycines pour la teicoplanine.
La vancomycine est hydrosoluble si le pH est inférieur à 4 et la teicoplanine est hydrosoluble et liposoluble ce qui permet une meilleure pénétration tissulaire.
Mécanisme d’action des glycopeptides
Les glycopeptides exercent leur action antibactérienne principalement en inhibant la synthèse du peptidoglycane, un composant essentiel de la paroi cellulaire des bactéries. Cette inhibition entraîne une perturbation de la structure de la paroi, conduisant à la lyse bactérienne et donc à la mort de la cellule.
1. Mécanisme principal : Inhibition de la synthèse du peptidoglycane
1.1 Liaison aux précurseurs du peptidoglycane
- Les glycopeptides se lient de manière spécifique aux résidus D-alanyl-D-alanine (D-ala-D-ala) terminaux des précurseurs du peptidoglycane, appelés disaccharide-pentapeptides (DSP). Cette liaison forme une poche rigide au niveau du D-ala-D-ala, empêchant ainsi l'action des enzymes clés de la synthèse du peptidoglycane.
1.2 Blocage des transglycosylases et transpeptidases
- Les transglycosylases, responsables de la polymérisation des chaînes de peptidoglycane, ne peuvent plus se positionner correctement en raison de la présence des glycopeptides.
- Les transpeptidases, qui catalysent les liaisons croisées entre les chaînes de peptidoglycane, voient leur site d'action masqué par la liaison des glycopeptides.
Cette double action inhibe à la fois l'élongation et le réticulation du peptidoglycane, entraînant une inhibition de la croissance bactérienne suivie de la mort cellulaire.
1.3 Inactivité sur les bactéries à Gram négatif
- Les glycopeptides sont inefficaces contre les bactéries à Gram négatif en raison de leur taille moléculaire importante. Ces molécules ne peuvent pas traverser les porines de la membrane externe des bactéries à Gram négatif, ce qui les empêche d'atteindre le peptidoglycane en cours de polymérisation.
2. Mécanismes supplémentaires de la vancomycine
Outre son action principale sur la synthèse du peptidoglycane, la vancomycine possède deux autres mécanismes d'action décrits :
- Inhibition de la synthèse de l'ARN : La vancomycine interfère avec la synthèse de l'ARN bactérien, perturbant ainsi la production des protéines essentielles à la survie de la bactérie.
- Altération de la perméabilité membranaire : La vancomycine peut également altérer la perméabilité de la membrane cytoplasmique bactérienne, entraînant une fuite des ions et des molécules essentielles, ce qui contribue à la mort cellulaire.
Spectre d’activité
Les glycopeptides possèdent un spectre d’activité étroit, ciblant principalement les bactéries à Gram positif. Les bactéries à Gram négatif sont naturellement résistantes à ces antibiotiques en raison de leur imperméabilité due à la membrane externe, avec des concentrations minimales inhibitrices (CMI) généralement très élevées (> 256 mg/L).
Activité sur les bactéries à Gram positif
Staphylococcus
- Staphylococcus aureus : Toutes les souches, y compris les SARM (Staphylococcus aureus résistant à la méticilline), restent sensibles à la vancomycine.
- Staphylococcus coagulase négatif (SCN) : La grande majorité des souches sont sensibles, à l'exception de Staphylococcus haemolyticus, qui présente fréquemment une résistance.
Streptococcus
- Streptococcus pneumoniae : Toutes les souches, y compris celles résistantes à la pénicilline (péni-R), sont sensibles.
- Streptococcus des groupes A, B, C et G : Sensibles.
- Streptococcus viridans et Streptococcus bovis : La grande majorité des souches sont sensibles.
Enterococcus
- La majorité des souches d’Enterococcus faecalis et Enterococcus faecium restent sensibles aux glycopeptides. Cependant, des souches résistantes à la vancomycine (VRE) ont émergé et posent un problème clinique important.
Autres bactéries à Gram positif
- Corynebacterium : La vancomycine est active contre les diphtéroïdes, y compris Corynebacterium jeikeium, souvent multirésistant.
- Clostridium difficile : Sensible, ce qui en fait un traitement de choix pour les infections à C. difficile.
- Rhodococcus equi : Sensible.
- Actinomyces : Environ la moitié des souches sont sensibles.
Bactéries résistantes aux glycopeptides
Certaines bactéries à Gram positif et d'autres groupes bactériens sont naturellement résistants aux glycopeptides. Parmi eux :
- Lactobacillus, Leuconostoc, Pediococcus, Erysipelothrix : Résistants.
- Nocardia : Résistante.
- Actinomyces : Certaines souches sont résistantes.
- Anaerobies stricts : Une partie est résistante.
❖ Nouvelles molécules :
❖ Dalbavancine (Xydalba®)
La dalbavancine est une molécule ancienne développée dans les années 80 et issue d’une modification de la téicoplanine. Récemment commercialisée, elle est indiquée dans le traitement des infections de la peau et des tissus mous.
Son spectre d’activité est limité aux bactéries à Gram positif. Elle est inactive sur les entérocoques résistants à la vancomycine . Elle est adminis-trée sous forme d’une injection unique
❖ Oritavancine (Orbactiv®)
L’oritavancine est un dérivé de la vancomycine. Elle présente l’intérêt d’être active sur les staphylocoques aureus de sensibilité intermédiaire ou résistant à la vancomycine. Comme la dalbavancine, elle est inactive sur les entérocoques résistants à la vancomycine .